Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/256

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laissez-le seulement grandir et gagner l’âge où il aura le droit d’hériter et d’avoir la tête coupée. Celui-là a assez peu de chances dans les héritages à venir, mais en revanche il réunit, contre sa tête, toutes les chances de son père et toutes les chances de sa mère. Monsieur le docteur, en vérité, vous avez rendu là un grand service à tous, et pourquoi ? D’ailleurs, cette femme retranchée du monde, quels droits avait-elle encore à être mère ? Et cet enfant, de quel droit vient-il au monde et qu’y vient-il faire ? Sa naissance sera un second arrêt de mort pour sa mère, et cette fois la cour de Cassation n’aura rien à y voir. Encore, si l’on donnait à cette mère le temps de nourrir son enfant ! Mais on lui passe à peine les neuf mois pour le mettre au jour ; le lait qui devait nourrir ce fœtus coulera, à défaut de sang, sous le scalpel de l’opérateur, digne objet de plaisanterie pour nos amphithéâtres. Monsieur le docteur, vous êtes un habile docteur ! Ainsi pensant, et poussé de prison en prison, j’étais arrivé sur la place de la Salpêtrière, l’asile des vieilles femmes de rebut dont la société ne veut plus, même pour en faire des portières ou des marchandes à la toilette. La Salpêtrière est un village entier, populeux comme une ville ; mais, grand Dieu ! quel peuple ! Des femmes sans maris, des mères sans enfants, des aïeules