Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/258

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mère marchait à reculons, lâchant de temps à autre, d’une main avare, le chanvre que renfermait son tablier. Elle travaillait depuis le matin, et l’ouvrage était peu avancé, car elle était obligée de se régler sur la faiblesse de son ouvrier plus encore que sur la sienne ; au-dessous de la corde commencée, et sur le gazon desséché qui recouvrait la terre, dormait une toute petite fille ; sa jeune tête s’appuyait sur son bras droit, ses cheveux longs et soyeux étaient légèrement soulevés par le vent et retombaient sur sa joue, qui se colorait alors d’une légère teinte rose ; son petit frère la regardait de temps à autre, lui enviant peut-être son repos et son sommeil ; la pauvre femme les regardait tour à tour tous les deux, mais tout à coup elle s’arrachait à sa contemplation maternelle, se reprochant cet instant d’espérance et de repos.

— Pauvre jeune enfant ! me disais-je, à la vue de cette petite fille qui dormait pendant que son jeune frère et sa jeune mère lui gagnaient une goutte de lait ; la misère veille sur ton berceau, tu auras pour soutien la misère, — et pour conseil la misère ! Pas un moyen d’échapper à cette destinée de pauvreté, d’abandon, de vice ! — Nul espoir ! nul bonheur ! — Ta mère qui t’aime tant, à présent qu’elle peut encore te nourrir, te prendra en haine