Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/264

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ficelle ; cet enfant, c’était mon fabricant de la Salpêtrière ; il apportait le travail de quinze jours, et à son air timide on voyait qu’il tremblait d’être refusé. Le charpentier l’accueillit en bon jeune homme, il reçut sa corde sans trop la regarder, il la paya généreusement, et renvoya cet enfant avec un gros baiser et un verre de ce bon vin qui était sur le pied de l’échelle. Resté seul, le jeune charpentier ne se remit pas à l’ouvrage ; il se promena d’un air soucieux de long en large, l’œil toujours fixé sur la porte ; évidemment il attendait quelqu’un ; ce quelqu’un qui arrive toujours trop tard, qui s’en va toujours trop tôt, qu’on remercie de vous avoir dérobé votre journée, avec qui les heures sont rapides comme la pensée. Arriva à la fin une fille belle et fraîche, naïve et curieuse ; après le premier bonjour à son amant, elle s’occupa, tout comme moi, de la machine. Je n’entendais pas un mot de la conversation, mais elle devait être vive et intéressante. À la fin, le jeune homme, à bout sans doute de toutes ses explications, fit un signe à la jeune fille comme pour l’engager à jouer son rôle sur ce théâtre ; d’abord elle ne voulut pas ; puis elle se fit prier moins fort ; puis elle consentit tout à fait : alors son fiancé, prenant un air grave et sérieux, lui attacha les mains derrière le dos avec