Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/269

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entière, l’homme fera un petit sourire de satisfaction au maître charpentier, il dira qu’on lui apporte sa machine de bonne heure ou bien le soir ; après quoi, ce riant théâtre d’amour ne sera plus qu’un théâtre de meurtre, le boudoir deviendra échafaud sanglant ; on n’entendra plus là, — non plus jamais — le bruit des baisers, — à moins que d’appeler un baiser cette dernière aumône que jette le prêtre, du bout de ses lèvres tremblantes, sur la joue pâle et livide de l’homme qui va mourir. Et pourtant, Sylvio, à présent que j’y pense, je me souviens qu’autrefois, dans un temps heureux, comparé à celui-ci, quand je nageais en plein paradoxe, j’ai entendu des gens qui riaient de la peine de mort. Bien plus, ces gens-là se vantaient eux-mêmes, celui-ci, d’avoir été pendu et de s’être balancé longtemps au bout d’une corde dans un des éclatants paysages d’Italie ; celui-là, d’avoir été empalé au sommet des tours de Constantinople, d’où il pouvait admirer tout à l’aise le Bosphore de Thrace ; cet autre, enfin, de s’être noyé amoureusement dans les eaux transparentes de la Saône, entraîné qu’il était par une jeune et belle naïade au sein nu. Je t’avoue qu’en les entendant ainsi parer la mort violente, je m’étais habitué à jouer avec elle ; je regardais le bourreau comme un complaisant adjuteur, plus habile que les autres à