Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réveil, et qui m’accompagnaient de leurs doux éclats de rire jusqu’à l’heure tournoyante du sommeil. Mais, à mon insu, déjà une grande révolution s’était opérée dans la vieille gaieté française. La nouvelle poésie envahissait tous les esprits ; je ne sais quel reflet ténébreux d’une passion à la Werther me saisit, moi aussi, tout à coup, mais je ne fus plus le même jeune homme. Jadis gai, jovial et dispos ; à présent triste, morose, ennuyé ; naguère, l’ami de la joie, des gros éclats de rire et d’une délirante chanson bachique, lorsque, les deux coudes sur la table, on se presse, sans y songer, à côté d’une taille féminine artistement rebondie, et que du pied droit on presse furtivement un petit pied qui s’en aperçoit à peine. Adieu donc à toutes mes douces joies, à mes joyeux refrains ! Le drame remplace la chanson, et Dieu sait quels drames ! J’en ai construit, moi qui vous parle, de terribles ; vous eussiez pris le premier acte pour le sixième acte de la septième journée, ou de la septième année, tant il y avait de sang ! En ce genre, j’ai fait des découvertes incroyables, j’ai trouvé un nouveau filon à la douleur : je me suis bâti un Olympe d’une architecture funeste, entassant les vices sur les crimes, l’infection physique sur la bassesse morale. Pour la mieux voir, j’ai écorché la nature, afin que, privé de