Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/55

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perdu, un homme sans poésie, si je ne m’étais pas avisé à temps de ma duperie, si je n’avais pas rencontré la jeune Henriette sur un âne, et, l’instant d’après, cet âne sous du fumier.

À quoi tiennent les choses ! Quand, après de violents combats avec moi-même, j’eus renoncé à mes douces joies du matin, à ma fenêtre, à mes roses, à mes œillets, à ma naïve contemplation, aux chefs-d’œuvre des grands siècles ; quand je me fus bien persuadé que l’adultère habitait ces somptueuses demeures ; que ma grisette se livrait au premier venu qui voulait la mener danser à la barrière ; que ce célibataire à la crème n’avait jamais été qu’un pauvre égoïste dont la politesse était encore de la bassesse ; que cette femme de chambre, élevée par sa maîtresse, lui enlevait son mari et débauchait son plus jeune fils ; que tous ces vils marchands se levaient de si grand matin pour falsifier leurs drogues et qu’ils faisaient l’aumône par superstition, je me mis à chercher quelque chose qui pût remplacer mon beau rêve matinal, et j’allai au Palais-de-Justice, — à midi : — c’est le bon moment. Un avocat monte le large perron, un autre avocat le descend, — orateurs imberbes, à l’air affairé et n’ayant rien à faire ; des magistrats que l’ennuie cloue sur leurs siéges, des huissiers