Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/60

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seul, et à la porte des théâtres, je voyais des malheureux s’arracher une place pour applaudir un empoisonneur ou un diable, un parricide ou un lépreux, un incendiaire ou un vampire ; sur le théâtre, je voyais circuler des hommes qui n’avaient pas d’autre métier que d’être tour à tour brigands, gendarmes, paysans, grands seigneurs, Grecs, Turcs, ours blancs, ours noirs, tout ce qu’on voulait qu’ils fussent ; sans compter qu’ils exposaient sur ces planches malsaines, leurs femmes et leurs petits enfants et leur vieil aïeul ; sans compter qu’ils avaient de la vanité ! Ce plaisir dramatique, soulevé par de pareils agents, me répugnait ; mais il entrait dans mon système d’observer l’ignoble s’amusant, riant, vivant, ayant des théâtres, des comédiens, des comédiennes, et des hommes d’un génie fait tout exprès pour lui distiller le vice et l’horreur.

Après quoi, je parcourais ces magnifiques boulevards d’un bout à l’autre ; ils ont pour point de départ une ruine, la Bastille ; ils aboutissent à une autre ruine, une église inachevée. J’observais dans ses moindres phases la prostitution parisienne. D’abord, à commencer seulement à la Bastille, elle semble essayer ses forces, elle