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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/70

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est impossible de ne pas retrouver dans ces détails les dignes commencements d’un grand peuple. Il est vrai qu’un assez bon nombre de plagiaires parmi les historiens modernes, gens à courte vue, peu sérieux, très-disposés à l’ironie, ce qui est une très-commode façon de se délivrer des labeurs de la science, et d’ailleurs tout remplis des préjugés du siècle qui a produit l’Essai sur les mœurs et le Dictionnaire philosophique, auraient cru faire outrage à la dignité du temps présent, s’ils n’avaient pas représenté nos pères, les Gaulois, comme autant de bêtes sauvages à peine marquées du doigt de Dieu. On dirait que toute cette sauvagerie donne une bonne apparence à l’histoire, et pourtant quelle plus excellente origine, pour un peuple, que de descendre d’une nation qui était intelligente il y a déjà tant de siècles ? Les historiens de l’antiquité sont plus justes pour nos pères que les historiens modernes. Pline l’Ancien cite les Éduens et les Bituriges comme autant d’ouvriers habiles à qui l’on devait d’intéressantes et ingénieuses découvertes. Ceux-ci avaient trouvé l’art du placage, ceux-là avaient enseigné l’art salutaire d’étamer le cuivre. La Gaule était renommée pour ses belles étoffes brochées et pour ses riches teintures. On attribue à ses habitants l’invention de la charrue à roues, des cribles en crin, des tonneaux en bois cerclés pour conserver les vins. Ils furent les premiers, parmi tous ces peuples, qui firent usage de la marne comme d’un engrais puissant ; les premiers, ils firent lever leur pain avec l’écume de la bière. — Nous avons vu combien était formidable la marine de la Gaule, la marine guerrière aussi bien que la marine marchande, disposées l’une et l’autre pour tirer le meilleur parti de cette mer orageuse et de ces côtes formidables ; les cent vingt vaisseaux des Venètes étonnèrent César. La richesse gauloise était passée en proverbe, et en preuve, Posidonius rapporte qu’un prince des Arvernes, qu’il nomme Luern, ne se montrait jamais en public sans jeter d’une main libérale des poignées d’or et d’argent à la foule ameutée. Là ne s’arrêtait pas sa magnificence : il donnait souvent de grands festins, et, dans l’enceinte des douze stades carrées préparée pour les convives, il faisait creuser des citernes qu’il remplissait d’hydromel, de vin et de bière. Le voyageur grec nous a laissé de ces repas gaulois une description tout à fait homérique. Homère n’eût pas mieux dit, Achille n’eût pas mieux fait.

« Voici, dit-il, les mets qui sont placés sur la table : peu de pain et beaucoup de viandes bouillies, rôties, grillées ; on est servi très-proprement, dans des plats de bois ou de terre cuite, chez les pau-