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XVIII
À THÉODOSE BURETTE.

de flatteurs aussi dangereux les uns que les autres, et qui cependant en font malgré lui un homme important. Celui-là mérite l’intérêt des honnêtes gens ; car, pour qu’il soit écouté longtemps, il faut à toute force qu’il ait un peu d’esprit, un peu de style, beaucoup de courage, une grande conscience dans son jugement de chaque jour, une abnégation profonde ; il faut qu’il soit juste et vrai, sincère et loyal, indulgent même dans sa critique, sévère même dans ses louanges. Il faut qu’il tienne d’une main sûre la balance égale entre toutes ces gloires qui se valent, entre toutes ces ambitions rivales, tous ces poëtes de la veille, tous ces prosateurs du lendemain, toutes ces renommées maladives et envieuses l’une de l’autre qui prennent pour un vol qu’on leur fait la moindre louange qui ne leur est pas adressée. Telle est cependant la position du critique : sa vie est une vie de luttes et de travail ; de toute cette renommée dont il dispose il ne garde presque rien pour lui ; il se fait autant d’ennemis de ceux qu’il blâme que de ceux qu’il ne loue pas assez. Or quel est homme en ce monde qui se trouve jamais assez loué ? Le malheureux critique ! Voilà comment, tout en se tenant à l’écart le plus qu’il peut des ambitions et des rivalités humaines, il est cependant exposé à toutes les calomnies, à toutes les médisances. Sa vie est à jour, il habite une maison de verre ; chacun lui peut tirer son petit trait envenimé