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INTRODUCTION

petite ville, ses douces habitudes de chaque jour. Elle venait à moi ce jour-là, arrivée qu’elle était de la veille, après un voyage de cent lieues. Je la reconnus tout d’abord là-bas au milieu des voitures, longeant le mur, s’appuyant sur sa canne, vive encore, ne me cherchant pas même du regard, tant son cœur lui disait qu’elle allait me voir. Moi, immobile, je la laissais venir à moi ; je ne voulais pas ôter un pas à sa belle action ; je voulais qu’elle fît tout le chemin pour me rejoindre. Bonne mère ! elle me rejoignit enfin.

Alors, alors je me sentis vivre : j’avais une protection, j’avais une amitié, j’avais de quoi être aimé, j’avais de quoi aimer, j’avais une bonne vieille femme pour pleurer avec moi, pour se réjouir avec moi, pour souffrir avec moi ; mon ambition était satisfaite, mes rêves se réalisaient. C’était tomber de bien haut cependant ! Avoir rêvé toute sa vie grande fortune et grandes dames, et nobles amours et succès de gloire, puis tomber dans la rue au bras d’une octogé-