Page:Janin - Les catacombes, tome 4.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
les mémoires

hospitalière et joyeuse ; ici la faim même est hors de prix : là-bas les fruits de nos arbres chargeront notre table ; ici, dans un seul été, tu uses plus de quatre toges : là-bas un seul habit pourrait te suffire toute l’année. Est-ce donc la peine de faire ta cour aux grands quand tu peux à ton tour avoir à ton lever des poëtes, des mendiants et des flatteurs ?

Ainsi parlait Marcella. Disant ces mots, elle était si touchante et si belle ! Ses deux mains étaient jointes comme si elle eût imploré de moi sa fortune ; son grand œil noir était mouillé d’une seule larme, mais limpide et brillante. Moi cependant, étonné, ébloui, mais, le croirais-tu ? hésitant encore, je jetais un triste regard sur ma misère et un regard attendri sur cette femme si belle qui semblait m’implorer. Étais-je bien éveillé en effet ? Ici, chez moi, à mes côtés, cette belle personne, l’honneur de l’Espagne, et en même temps ce pauvre mobilier, misérable gage de deux années de loyer que mon avare propriétaire avait