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les deux frères

d’emprunter le livre de son voisin, chez nous c’est plus qu’une habitude, c’est une mode : les plus belles dames du plus grand monde ne rougissent pas d’envoyer louer pour quelques deniers, dans un cabinet de lecture, le même volume fangeux qui a été lu la veille par leur frotteur ou par leur femme de chambre ; ces pages salies, huileuses et infectes ne leur causent aucun dégoût ; le livre, échappé de ces mains équivoques, fait le tour d’une maison, passant plus d’une fois par l’écurie avant d’entrer au premier étage. Les plus grands noms de la France littéraire sont soumis à cet outrage ; vous sentez bien que Walter Scott n’a pas pu y échapper : aussi n’y a-t-il pas échappé. Il a fallu qu’il eût produit tous ses chefs-d’œuvre pour que Gosselin lui-même se décidât à les faire paraître autrement que sur des chiffons à cabinet de lecture. Mais enfin l’édition fut arrêtée, et c’est de ce jour que datent la fortune et la gloire des deux frères Johannot.