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MADEMOISELLE RACHEL

contré, dans Texercice des bonnes œuvres, lady Tartufe, qui s’a|)pelle madame de Blossac :

Ah ! si vous aviez vu comme j’en fis rencontre…

Et peu à peu il a donné à madame de Biossac un appartement dans les combles de son hôtel.

Enfin, le ciel chez moi me la fit retirer,
Et depuis ce temps —là tout semble y prospérer…

En effet lady Tartufe, installée au beau milieu de la place qu’elle assiège, a tendu çà et là tous ses fils d’araignée, et peu à pou elle a conquis dans cette maison une position surprenante. On ne la voit pas, mais on sent qu’elle est partout ; on ne l’entend pas, et pourtant son silence fait peur ; elle est tout mystère, elle est toute réserve ; on dirait un insecte au fond du sable creusé comme un entonnoir ; au fond de l’entonnoir se tient la béte venimeuse, attendant sa proie. Où donc est le danger ? On n’entend rien ; à coup sur il est quelque part ! D’où viendra-t-il ? On l’ignore… il iendra ; c’est même cette profonde conscience d’un danger inévitable qui nous fait accepter le drame qu’on nous propose, en dépit des ressemblances qui sautent aux yeux, et de l’imitation exacte du chef-d’œuvre dont Lady Tartufe est tirée. Une côte a été arrachée à Tartufe, avec quoi madame de Girardin a composé cette image funèbre de madame de Blossac.

Chose étrange ! elle a eu des antécédents, cette madame de Blossac ; elle a été pis qu’une femme coquette, elle a été une femme galante. Un de ses amants est mort sous sa fenêtre ; en vain il appelait sa maîtresse à son aide, elle n’a pas répondu à cette voix plaintive. La misérable ! elle avait peur de se compromettre en étanchant le noble sang qui se perdait dans les allées de son jardin, et ce jeune homme est mort faute de secours. Voilà donc une histoire, et cette histoire nous étonne. En effet. Tartufe, l’autre Tartufe, le vrai.