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LE VOYAGE BLANC

elle me dit gravement : « Je vous ai aimé, Clément. — Ah ? — Oh ! vous le savez trop et c’est pourquoi je vous en parle. C’est bien fini, allez ! Et même, aujourd’hui, vous seriez libre et vous me demanderiez à genoux d’être votre femme, que je vous dirais non ! non ! non !… Bien plus, et elle devint blanche comme un drap, si je n’étais chrétienne, je vous dirais que je vous hais ! »

. . . . . . . . . . . .

Ne voulant pas s’attarder, M. Clément entra seul chez le notaire ; il en sortit, le front plissé de rides, avec une expression douloureuse sur la figure, et si absorbé qu’il oublia tout le temps de parler à sa petite fille.

Le crépuscule venait déjà : la terre enneigée prit une teinte livide, les arbres se profilèrent en fantômes, des lumières apparurent et se mirent à trembler de-ci, de-là, dans les maisons basses, comme les feux-follets des légendes. Le cheval trottait toujours et secouait ses grelots chantants dans la nuit déserte. Annette se sentit prise par les rêves et ne pensa plus aux choses troublantes que son père lui disait tout à l’heure, à voix basse