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Page:Jarret - Contes d’hier, 1918.djvu/162

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CONTES D’HIER

à chaque élève de se munir de cahiers et de crayons ainsi que d’une chaise, et de la suivre dans le parterre. C’est là, à côté de l’énorme église de pierre, les pieds sur le fin gazon, que la fillette écrivit son premier conte. Elle devait avoir accaparé tout l’enthousiasme, car les autres élèves ne voulurent rien faire ; quelques-unes se décidèrent de jeter quelques lignes sur le papier, d’autres n’écrivirent même pas un traître mot. Par bonheur, toute à sa fièvre, l’enfant ne voyait rien ; autrement, elle aurait pu y gagner quelque fâcheux refroidissement. La maîtresse du cours, une exquise petite mère de vingt-cinq ans qu’elle admirait beaucoup, se tenait immobile sur sa chaise, les mains enfouies dans ses larges manches noires, certainement contente de l’application de cette petite.

Le parterre était planté d’arbres, avec de-ci, de-là des corbeilles rustiques portant des fleurs, autour d’une blanche statue ; comme clôture, une haie de cédreaux. Plus loin, c’était la rivière d’argent qu’on voyait luire entre deux coins de rue. La fillette écrivait, écrivait toujours, sa main maigre d’adolescente, crispée sur le crayon, les