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Page:Jarret - Contes d’hier, 1918.djvu/60

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CONTES D’HIER

Mlle Aimée retourna sur ses pas. Elle ne rencontra personne sauf les chauves-souris qui rasaient la terre de leur aile noire, et les maringouins qui vinrent « siler » à ses oreilles. La brise se leva tout-à-coup, un long frémissement sourd passa dans les grands arbres, la poussière se souleva et courut comme une vague légère, puis tout s’apaisa. De nouveau, la barrière fit toc ! en se fermant, le gravier s’écrasa sous les pieds de Mlle Aimée qui vint s’asseoir au bord du perron, les jambes pendantes comme au temps où elle était fillette. Les voisins n’avaient pas cessé de causer : « Le petit Joseph, c’est pas un fou, je te le dis. Quand il aura fini à l’école, si le curé veut s’en mêler, on le mettra au collège. Il est si pieux, peut-être bien qu’il fera un prêtre ?… »

Mlle Aimée rêva. La chanson mélancolique des grenouilles montait toujours dans l’air très calme. Les étoiles continuaient à palpiter comme des cœurs, au fond du grand ciel voûté. La lune glissante penchait vers l’occident ; un moment, frappé de ses rayons, le toit de fer blanc de l’église se mit à reluire, comme si on l’eût peint de lumière vermeille. L’ombre de la maison s’étendit, devant