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XVIII

Bernadette vit donc reparaître auprès d’elle l’ange ténébreux de la souffrance. Une inquiétude presque affolante la tenait et, sous le poids de l’humiliation, elle avait repris ses airs peureux d’autrefois. La tentation d’écrire à Mme Beauchemin et de s’épancher sans retenue lui revenait souvent mais, tant par fierté que par une sorte d’apathie funeste, elle finissait toujours par s’abstenir.

Autour d’elle on la ménageait en évitant avec soin toute allusion à sa malheureuse aventure. Mais ces précautions n’abolissaient point les faits et il y avait des moments où la pauvre Bernadette s’en exaspérait.

Un second dimanche passa, aussi calme que le précédent. Le soir à table, Aurore eut l’occasion de citer certaine réflexion que Donat avait consignée dans sa dernière lettre. Or, Bernadette ignorait que les deux jeunes gens fussent en correspondance et elle s’étonna ingénument :

— Il t’écrit ?

Sa sœur la dévisagea de ses yeux roux.

— Eh bien oui, il m’écrit triompha-t-elle. Et après ? Es-tu jalouse ?

Ce mot méchant s’abattit comme un fer rouge sur le chagrin de Bernadette. Elle voulut prononcer quelques paroles qui restèrent inintelligibles et, comme ses larmes menaçaient de jaillir, elle quitta la table et s’enfuit dans sa chambre.

Un duo de voix aigres l’y rejoignit aussitôt.