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II

Ce beau dimanche de mai, au commencement de l’après-midi, Mme Nadeau était assise dans le boudoir, avec ses deux filles, et laissait couler le temps en un doux farniente. Son mari qui travaillait jusqu’à onze heures, le samedi, faisait sa sieste de chaque semaine. Wilfrid était sorti et les petits à l’école ou à l’église, aux mains des Frères.

Aurore attendait son ami, l’étudiant en médecine qui avait nom Ubald Cariépy, et, pour lui faire honneur, elle avait endossé sa robe de velours brun dont le décolleté généreux mettait en évidence l’éclatante blancheur de sa gorge. Savamment travaillés, ses cheveux moussaient en gros bouffants, sur les oreilles, et formaient, sur le sommet de sa tête, tout un merveilleux échafaudage couleur du soleil de midi.

Pour Bernadette, elle s : était couchée, la veille, à la même heure que son père et bien trop lasse pour avoir le courage de se friser : sa petite robe de mauvaise serge et du bleu foncé le plus banal achevait de lui donner un air de parente pauvre, aux côtés de son éblouissante aînée. Mais quelque chose, tout de même, chantait au cœur de la jeune fille : la satisfaction du devoir accompli. Grâce à son courage, le fameux emménagement était enfin terminé et, dans le journal de la veille, une annonce avait paru par laquelle on offrait à louer la chambre qui, de l’autre côté du passage, faisait pendant au boudoir et, comme lui, donnait sur la rue.

Tandis qu’Aurore bavardait, écoutée par sa mère d’une oreille complaisante, on sonna soudain à la porte. Bernadette esquissa le geste de se lever pour