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VIII

Mme Nadeau avait été sincèrement surprise lorsque Jules lui avait annoncé son départ ; un soufflet à sa joue ne l’eût pas davantage étonnée. Le jeune homme prétendait maintenant qu’il jugeait préférable de se rapprocher de l’Université. Ce pouvait être exact mais ce pouvait aussi n’être qu’un prétexte.

— « Il avait pourtant l’air de se plaire, ici », répétait la mère de Bernadette qui, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, se contenta d’adresser une nouvelle annonce au journal.

Celui qui se présenta pour remplacer Jules était un vieil homme. Il dit n’avoir d’autres parents qu’une nièce mariée chez laquelle il promettait de passer la plupart de ses dimanches. Il travaillait dans le caoutchouc. Lui aussi avait exigé le déjeûner qu’il prenait à la table de famille où il marquait son passage de la façon la plus désagréable, par des traînées de gouttes des plats à son assiette et par une quantité remarquable de miettes qu’il semait autour de sa chaise comme s’il eût eu tous les moineaux du voisinage à nourrir. Il ne se montrait pas plus soigneux dans sa chambre.

Les quinze premiers jours, il paya bien mais dès la troisième semaine, il tenta de tirailler comme dit Mme Nadeau laquelle le remit d’ailleurs promptement à la raison. Ce dimanche-là, il n’alla point chez sa nièce et on lui trouva une mine étrange : il marchait droit mais sa face était rouge et son haleine, bientôt, le trahit.