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IX

L’année donnait ses derniers jours. Noël avait passé sans apporter à Bernadette aucune nouvelle de celui vers qui sa pensée se tournait si fréquemment et avec une telle ardeur désespérée. Le sort de la jeune fille ne s’était point adouci ou, enfin, si on s’appliquait un peu moins ; peut-être, à lui faire expier son forfait, une profonde amertume n’en continuait pas moins de ronger son âme.

L’avant-veille du jour de l’an, une lettre arriva enfin de S-Marie Salomé. Aurore l’ouvrit devant tous et elle en commença la lecture à haute voix. Après les souhaits d’usage que, par son entremise, il offrait à toute la famille, Donat s’excusait de ce qu’il ne pourrait quitter S-Marie Salomé durant ses courtes vacances d’hiver. La raison, disait-il, c’est qu’il venait de donner son cœur à une jeune fille du pays, jolie, aimable, intelligente, douce et courageuse, enfin, quelque chose comme la huitième merveille du monde.

— L’imbécile ! s’exclama Aurore.

Elle plia la lettre et la remit dans son enveloppe. Mais après quelques tours sur elle-même, elle la reprit et en poursuivit la lecture, tout bas, cette fois.

— Il me la décrit pendant deux pages, dit-elle ensuite à sa mère, en haussant les épaules. Il veut me faire croire que c’est plus fort que lui, qu’il ne peut pas s’empêcher de parler d’elle et il me demande de ne pas être jalouse. Mon Dieu, qu’il en ait donc cinq blondes et dix, s’il veut, qu’est-ce que ça peut bien