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PREMIÈRE PARTIE

I

On était au milieu de la matinée. En attendant les relents de cuisson qui, bientôt, lui arriveraient de toutes parts, la cour se chauffait au doux soleil de mai ; par delà la palissade de planches noircies qui en indiquait la frontière, la laide structure des maisons de l’autre rue, en l’espèce la rue Panet, se dressait comme un geste menaçant sur le ciel opalin. On n’en voyait que l’arrière en briques rouges : les galeries encombrées d’objets de service, la tour qui renferme l’escalier casse-cou, aux marches de bois brut, le réseau des cordes à linges.

La cour silencieuse et inondée de soleil, la palissade brunâtre, le spectre rigide des maisons d’en face, Mme Nadeau examinait tout cela avec une curiosité tranquille, comme si le spectacle, tout en n’étant pas encore familier à ses yeux, ne l’eût intéressée que médiocrement. C’était une femme de quarante-cinq ans, environ, grande, forte, et encore belle avec ses cheveux blond ardent que l’âge ne paraissait point avoir affadis, ses yeux roux et ses traits réguliers, quoique sans finesse.

Après quelques minutes de placide contemplation, elle s’accouda à la balustrade qui bordait la galerie. À ce moment même, une poulie grinça au-dessus d’elle.

Mme Nadeau leva la tête. C’était la locataire du deuxième, une femme au teint trop brun, aux che-