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XII

Un matin il parut à Bernadette que Mme Beauchemin était nerveuse, fébrile.

— Avez-vous passé une bonne nuit ? s’informa-t-elle avec sollicitude ?

— Bien au contraire, répliqua la vieille dame, j’ai à peine fermé l’œil. Il faut, reprit-elle, que j’aille à la ville et que je voie mon frère. C’est mon conseiller habituel : je ne prends jamais de décision un peu grave sans l’avoir auparavant consulté. Or, une préoccupation me tient, depuis hier…

Elles étaient en ce moment à table et elles finissaient de déjeuner. Mme Beauchemin introduisit sa serviette roulée dans l’anneau d’ivoire, la retira, la remit.

— Je suis soupira-t-elle, si casanière ! Un voyage à Montréal m’inflige immanquablement une nuit d’insomnie quand ce n’est pas deux. Mon enfant, vais-je vous laisser seule à la maison ou si vous préférez venir avec moi et profiter de l’occasion pour revoir votre famille ?

Sans hésiter, Bernadette assura qu’elle se ferait un plaisir de garder la maison si sa bienfaitrice la jugeait digne de cette mission.

— « Pauvre petite ! » songea Mme Beauchemin.

— Je partirai, dit-elle, demain midi, par le tramway et je reviendrai par le train du soir. Comme vous le voyez ajouta-t-elle en souriant, mon absence ne sera pas bien longue et c’est pourquoi j’aurai moins de remords à vous laisser seule ici, étant donné que vous voilà casanière, vous aussi.

Toute la journée, Mme Beauchemin resta ab-