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XIII

La maison, si paisible jusqu’ici, retentit désormais des éclats d’une toux déchirante et, sans se douter qu’un jeune cœur tressaille de douleur chaque fois qu’elle parle ainsi, Mme Beauchemin va répétant que ce voyage lui aura valu son « coup de mort ».

Au fond, elle n’en croit rien et ce qui la désole surtout c’est de devoir remettre à plus tard l’exécution de ses projets. Car le temps presse : dans trois semaines, Bernadette l’aura quittée. Et avant tout, il faut qu’elle voie son frère et qu’elle l’interroge sur divers points. Il est des obscurités à éclaircir, des garanties à demander. Certes, le charmant jeune homme qu’elle a reçu ici même, dans sa maison, et dont la vieille bonne raffolait, lui a laissé la meilleure des impressions. Mais c’est si sérieux cet engagement pour la vie qui s’appelle le mariage… Quel crève-cœur pour elle si, après avoir uni leurs mains, elle les voyait se dresser l’un contre l’autre, en ennemis !

Pour Bernadette, elle mesure à sa peine la profondeur de l’affection qu’elle a vouée à sa bienfaitrice. Elle n’est ici qu’en passant : elle le sait. Bientôt elle aura réintégré le domicile de ses parents, son refuge naturel. Chambly n’aura été qu’une étape dans sa vie, une courte halte, et Mme Beauchemin… non, ce serait une monstruosité de dire une « amie de hasard », mais, enfin, elle ne la connaissait point hier et demain la séparera d’elle. Cependant, en dépit des considérations subtiles, l’angoisse la tient et chaque crise de toux retentit douloureusement dans sa poitrine.

Refoulant son inquiétude, elle se surveille afin de toujours montrer à la malade un visage riant. Mais