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XIV

À tout moment, cette pensée revient à Bernadette que dans trois jours elle aura repris sa place sous le toit paternel, et à chaque fois, son sang se met à courir vite, vite, dans ses veines et elle ne sait si son émotion est joie ou peine. Les deux, sans doute, mêlées à un rien d’appréhension.

Voici maintenant deux mois qu’elle a quitté les siens et, indubitablement, elle a grand’hâte de les revoir. En réponse à sa propre réponse Aurore lui a écrit, ces jours derniers, une lettre tout à fait gentille à laquelle Arthur et Gérard ont ajouté un mot de leur main pour lui faire savoir qu’eux aussi l’attendent avec impatience.

Le point douloureux, c’est qu’il lui faudra se séparer de sa bienfaitrice. Elle se promet bien de revenir — Montréal et Chambly sont à une courte distance, l’un de l’autre — et d’écrire autant que le cœur lui en dira, mais si la douleur s’endort, elle demeure.

Au grand soulagement de la jeune fille, Mme Beauchemin n’a plus reparlé de ses fameux projets et elle n’a pas refait le voyage à la ville ; mais Bernadette a été témoin d’une longue épître écrite par la vieille dame à son frère, épître dont la rédaction a duré deux jours.

Puis, tout a paru rentrer dans l’ordre.

En ce moment, Bernadette est seule à la maison et elle s’occupe à repasser les jolis napperons qui orneront la table de Pâques : Pour la servir ce jour-là, Mme Beauchemin aura une petite orpheline de l’hospice et Bernadette se flatte qu’elle regrettera Yolande.