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ADOLESCENCE
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haussé les épaules et je lui en voulais de cette réflexion enfantine.

Certain dimanche, comme nous formions nos rangs pour nous rendre à l’église, mère Saint-Blaise me pria d’aller lui chercher son domino à l’atelier. Comme je le lui remettais, elle sourit et dit :

— Si jamais vous portez le domino, Marcelle, je vous souhaite d’être vous aussi, entourée d’élèves complaisantes.

Je le pris de haut et ne trouvant rien de drôle, à cette plaisanterie, je me retirai brusquement. Mais en m’agenouillant à l’église, je me mis à rire, entre mes mains et je songeai : « Je ne sais pas si mère a vu que j’étais fâchée ? » Car elle ne voulait pas croire que je pusse l’être, jamais, et elle s’amusait beaucoup de ma douceur. Un jour, que je lui exprimais mon mécontentement d’un certain état de choses :

— Mais vous n’êtes pas fâchée en ce moment ? m’avait-elle dit.

— Oui, mère, je le suis.

Et comme je ne pouvais m’empêcher de rire, en la voyant si fine, elle contempla un moment, ma figure épanouie et conclut :

— Alors, je me demande quel visage vous pouvez bien avoir quand vous ne l’êtes pas…

Au Jour de l’an, je vis Jean, mais si peu ! car sa mère, souffrante, avait désiré se retirer de bonne heure. Revenue au couvent, je trouvai que les jours passaient bien vite. L’étude, cependant, continuait pour moi, d’être une heure charmante : mes leçons apprises, je lisais, rêvais, ou regardais dehors, à la dérobée, m’emplissant les yeux du cher