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MOISSON DE SOUVENIRS

même expression de sereine et fine bonté. Oubliait-elle donc que la veille, il y avait eu une scène entre nous qui nous nous aimions ? Une scène décisive, me disais-je puérilement.

La distribution des prix avait lieu ce jour même. J’espérais que grand’mère ne viendrait pas, mais elle vint ; je me fis quand même inviter à souper par marraine et ne réintégrai le couvent qu’à l’heure du dortoir. Aussitôt après déjeuner, le lendemain, je retournai chez tante et la première personne que je rencontrai, en ouvrant la porte, fut grand’mère, toute prête à se rendre à la Salle académique.

— Que viens-tu faire ? me demanda-t-elle avec raideur.

— J’ai promis à Camille de l’amuser.

Elle s’adoucit aussitôt et répéta ma phrase à marraine qui achevait sa toilette, dans sa chambre.

Camille m’emmena dans le jardin et me montra les fraises déjà blanches, je crois, les cerises toutes vertes, les talles de rhubarbe dont les feuilles étaient aussi larges que mon chapeau. Entre les cailloux de l’allée centrale, la pluie du matin avait laissé des filets multicolores. Le soleil radieux, chauffait délicieusement cette verdure mouillée. Mais précisément à cause de l’humidité, nous ne pouvions nous asseoir nulle part, ce que voyant, Camille songea à me faire passer la revue de ses jouets.

J’avais le cœur gros, en reconnaissant maintes choses héritées de Jean ; celles-là, je m’attardais longuement à les contempler, à la grande satisfaction de mon petit cousin. Camille ressemblait assez peu à Jean : il était plus brun, plus calme, plus