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JEUNESSE
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elle aussi, depuis peu, possédait un cœur d’or et se montra toujours docile et respectueuse pour moi. Heureuse de leur confiante affection, j’osais à peine les contrarier et mon grand ennui consistait en ce qu’il fallait parfois imposer mon autorité, gronder, punir même. Ah ! punir… Rien ne me coûtait davantage. Comme il faut les aimer supérieurement, les enfants pour se résigner à briser ces petits êtres de joie et d’insouciance. Mais la porte demeurait ouverte, qui donnait sur la classe de ma tante ; j’étais surveillée à mon tour et je n’aurais pas voulu, pour rien au monde, qu’on pût constater du désordre chez moi.

Sans que mon devoir en souffrît, me semblait-il, je trouvais moyen de dessiner, de lire ou de rêver pendant la classe ; quelquefois aussi, je m’attardais à regarder le paysage, ou la classe voisine, par l’ouverture mystérieuse de la porte et dans mon imagination, se levaient de magiques tableaux qui m’enchantaient d’une joie étrange. À deux heures, je disais comme ma tante : « Couchez-vous, les petites. » Et abandonnant livre ou ardoise, les six benjamines repliaient leurs bras sur la table, y appuyaient leur tête lourde et s’endormaient presqu’aussitôt. Moi, jamais blasée du spectacle, je prenais vite mon crayon et les croquais pour la dixième, pour la vingtième fois.

Mes loisirs se multipliant à mesure de l’expérience acquise, j’offris un jour à tante de lui corriger tous les devoirs, le soir, à la maison. Elle accepta, très heureuse, voyant bien que je le ferais par plaisir. Comme nos mères du couvent, après l’indication des points ou des fautes, au bas de la