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JEUNESSE
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des yeux bleu-foncé, caressants, elle ressemblait à Thérèse, tout en étant moins bien. De même, son caractère original et attachant, n’atteignait pas la noblesse, plus attirante encore, de notre chère aînée. À la fois naïve et intuitive, elle s’était habituée aux gâteries, pensait tout haut, exagérait, par coquetterie, sa naïveté et semblait faire partie de l’âme de la maison. Elle avait peu fréquenté l’école et maman s’était si bien accoutumée à ses services, qu’elle n’aurait pu, disait-elle, s’en passer. Affectueuse et romanesque, d’une douceur charmante, je remarquais aussi comme elle découvrait vite, la petite poésie des choses.

Depuis mon retour à la maison, je l’avais découverte, tout comme j’avais découvert notre beau Victor. Et de même que pour ce dernier, mon admiration était allée jusqu’à la souffrance : je ne valais rien, en vérité, non, rien, comparée à mon aimable et fine grande sœur. Je ne me rassasiais pas de l’étudier et désespérée, j’éprouvais le besoin de m’effacer davantage. Hélas ! à cause de moi, elle venait de pleurer. J’allais donc prendre ma revanche ?

Lorsque M.  Saint-Maurice se présenta, nous étions tous réunis dans la bibliothèque ; c’était l’automne et je trouvais bien un peu froid, le coin où je m’étais isolée à dessein. Roseline avait une jolie blouse crème, semée de petites roses, et avec art, elle avait recoiffé ses cheveux ondulés, comme ceux de Thérèse et de Lydia, ses cheveux châtains dont elle était fière. Quoique bien résolue à ne pas sortir de l’ombre, malgré moi, la curiosité me travaillant, je regardais parfois M. Saint-Maurice, et