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JEUNESSE

raisonnable. Nous aurions causé « art ». J’en étais depuis longtemps, cruellement privée.

La conviction s’en établissait en moi un peu plus chaque jour : cet écolier « qui m’aimait, » ne pouvait avoir été un autre que M. Saint-Maurice. À cette époque, Jean avait promis de le mettre à la raison ; et avec horreur de ma dureté, je me disais : « Jean devrait répéter son exploit. » J’avais beau me contraindre, n’aurait-ce été qu’à cause de Roseline, je ne me sentais pas tout à fait la même quand M. Saint-Maurice se trouvait dans la maison. L’amour est contagieux. J’avais peur et je soupirais après Jean, mon bon chevalier. Mais Jean était toujours loin.


XII


Thérèse et notre tante Xavier demeurant toutes deux, rue Saint-Hubert, avaient mis leurs logis à notre disposition, afin que nous pussions, sans incommodité, voir défiler la grande procession du Congrès eucharistique, et tante était avertie que je me rendrais chez elle. La période pluie enfin close, l’été indien lui succédait, dans sa splendeur pure et son calme émouvant. À sortir dans la rue, j’avais admis qu’il faisait vraiment chaud, et pour cette raison, à la dernière minute, je décidais de changer de robe. Les autres étaient partis et je me trouvais seule à la maison. En me confiant l’unique clé — Gonzague en avait égaré deux — maman m’avait recommandé de revenir la première, afin que personne ne risquât le désagrément de se heurter à la porte close. Les clés ne me fai-