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MOISSON DE SOUVENIRS

Il eut encore un mot trop gai :

— Vois-tu, tout dépendra de la manière dont vous m’aurez reçu.

Comme nous approchions de la maison, il me confia soudain :

— Mieux vaudrait, Marcelle, garder le secret de ma visite. Surtout vis-à-vis de grand’mère. Elle n’est pas de notre génération, vois-tu et je suis certain qu’elle nous jugerait sévèrement. Il hésita.

— Elle pourrait penser que je cherche à conter fleurette à ma petite cousine.

Ce mot me fit rougir, et troublée, je me demandai, si ce n’était pas un peu cela, au fond ? Mais non ! Cent fois non ! Nous nous aimions très fort, voilà tout. Nous nous aimions gravement et jamais l’idée ne nous était venue de profaner notre affection par un jeu frivole : cela nous aurait fait mal.

Nous prîmes place, près de la fenêtre ouverte, dans le salon. Combien de fois, petits, nous étions-nous installés de la sorte, en face l’un de l’autre, afin de mieux nous voir. Fatigués de notre longue marche, nous nous reposions avec délice, baignés dans l’air immobile de septembre doré. En mourant, le soleil se décomposait et nous chargeait de ses rayons doux. Jean en portait un, presque pourpre, sur le bras et faisant mine de le ramasser, il me l’offrit. Mais je lui dis en riant :

— Ceci ne t’appartient pas. Vois, il est resté sur ta manche.

Il parut tout contristé de ma réflexion et j’en eus le cœur gros. On peut donc se blesser avec ces petites choses de rien du tout, que sont les