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JEUNESSE

son conseil ! L’ennui diminua, à son tour, et je demeurai les yeux fermement fixés sur la bouée lumineuse qui, pour moi, émergeait des flots obscurs de l’avenir : Jean reviendrait… Puisqu’il m’aimait.


XIII


Jean s’était décidé pour la Loi et il étudiait sous l’égide de son grand-oncle, lui-même notaire à la campagne. Après un an ou deux, il viendrait sans doute suivre les cours de l’Université Laval : c’était mon espoir le mieux défini et pour tromper l’attente, je dessinais avec rage. Dès mon retour de Saint-Claude, j’avais offert quelques dessins à une intéressante petite revue d’alors : l’Hebdomadaire. Encouragée par le bon accueil, j’entretenais une correspondance suivie avec la charmante directrice du Courrier et après ma vie intérieure et ma vie active des heures d’ouvrage, cette troisième vie artistique comblait à peine le vide sans cesse menaçant de mon existence, un peu solitaire, un peu austère.

Chaque jour, je m’attachais davantage au cher crayon, source de joies mystérieuses, et je ne pouvais songer à la possibilité de le perdre. En souvenir de Saint-Claude, je signais mes ouvrages : Claudine et pour empêcher qu’on ne soupçonnât ma jeunesse, laquelle pensais-je, aurait pu exciter la défiance, j’avais grand soin de toujours traiter des sujets un peu au-dessus de mon âge ; ensuite, je tirais naïvement gloriole d’avoir pu les réussir et je répondais en toute dignité à ma correspondante du Courrier.