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MOISSON DE SOUVENIRS

voir elle-même, maman avait prié marraine de s’en occuper, sachant bien que ce serait un vrai plaisir pour elle, car elle se consolait mal de n’avoir pas de petite fille à pomponner.

Ces quelques jours de congé me transportèrent dans un monde idéal. Qu’il faisait bon, chez Jean ! On me laissait dormir autant que je le désirais. À table, on me servait à mon goût. Tante m’habillait de ses mains, me tournait et me retournait, m’embrassait, me parlant avec une douceur câline, comme si j’eusse été une poupée très aimée. Nous parcourions ensemble les quelques magasins de Maricourt, coupant nos courses d’arrêts fréquents chez la couturière. Parfois, tante m’achetait certaines boîtes rouges ou vert pâle, que je savais être remplies de chocolat pur, en pastilles, ou encore des klondykes, des bâtons enveloppés et elle me disait : « Ceci ce sera pour emporter au couvent. » Un soir, elle me demanda mes friandises et les plaça dans la boîte où mes nouvelles robes étaient déjà couchées.

Le jour de la Toussaint, j’assistai à une messe matinale, avec Jean. On avait décidé de nous faire « garder », afin que nous puissions nous voir un peu, car mon congé touchait à sa fin. Et il me semble nous voir encore, debout près de la porte que mon oncle, impatient, avait ouverte, puis aussitôt fermée, tandis que tante nous détaillait ses dernières recommandations avant de partir pour la grand’messe. Tante était blonde, avec des traits menus et un peu chiffonnés, comme ceux de Jean ; et moi, je l’avais trouvée merveilleusement jolie dans sa sobre toilette d’automne de ce jour-là.