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ENFANCE

Et un peu plus tard, Jean parti avec les siens, je m’endormais d’un sommeil de plomb, dans le grand lit, à côté de ma sœur.


IV


Maintenant, c’était le jour des Rois et nous nous en allions chez mon oncle Ambroise, pour y passer l’après-midi et la soirée. Un certain M. Saint-Maurice, collégien ami de mes frères et lui aussi, éloigné de sa famille, avait été gracieusement invité. Cette fois, Thérèse me mit en rouge : robe de cachemire à taille longue encore et combinée avec une petite soie follette, couleur paille. En bleu, Amanda en avait une toute pareille.

Le froid était vif et sec. Amanda et moi, nous fûmes placées dans le fond du traîneau, sous la robe de carriole ; si ma sœur ne paraissait que médiocrement enchantée de sa position, pour ma part, je m’en accommodais fort bien. Sur mes bras, reposait ma chère poupée enveloppée d’un châle blanc que de fréquents lavages avaient rendu, à la fois très doux au toucher et dense comme du feutre et qui embaumait la laine et le camphre. Dans l’air, d’une sonorité extrême, les grelots rythmaient la course du cheval et par moments, Amanda ou moi, nous soulevions la robe et sous nos yeux, le chemin de neige semblait couler, comme l’eau des rivières.

En même temps que la voiture s’arrêtait, la porte de la maison s’ouvrait toute grande pour nous recevoir ; elle avait peut-être des yeux et des oreilles ? J’entrai avec un respect et un trouble émus :