Aller au contenu

Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
ENFANCE
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

carreautée ou, plus souvent, ma rouge qu’on avait trop ménagée et qui devenait courte, avec un beau tablier blanc. Pimpante, je me rendais ainsi à la classe de mère Saint-Louis où je passais l’avant-midi entière, absorbée dans la contemplation des cartes, lesquelles semblaient prendre vie, dès que je les regardais à travers la lunette ; la perspective s’établissait alors, les détails s’accusaient et l’air baignait les choses, comme dans les tableaux de tel maître espagnol. Je m’attardais volontiers à regarder la chute Niagara, dont le premier plan se composait d’un tronc d’arbre et d’une énorme grappe de racines pendantes. Les vues d’Italie ou d’Orient, les ruines grecques, les collections de l’Exposition de Philadelphie passaient plus vite ; mais quel délice lorsque je rencontrais la bergère ! En robe à paniers, manches au-dessus du coude, souliers à boucles, elle s’est avancée jusqu’au bout de l’allée, dans le jardin feuillu et appuyée sur sa houlette, elle se penche, son sage et jeune visage exprimant une inquiète sollicitude : loin, en arrière d’elle, on reconnaît un petit agneau blanc.

Il faut bien parler, aussi, de la vieille dame aux papillotes et de sa grimace en peine ; près d’elle, un monsieur en habit qui enfile son gant d’un air renfrogné. Sur la table, un lourd tapis, un vase peint, d’une transparence laiteuse, d’où débordent des fleurs ; des bougies aux candélabres, un riche mobilier, du velours, des franges. Un mot de l’autre dame, jeune, celle-ci et qui s’est endormie sur un canapé au dossier duquel, elle avait appuyé son ombrelle. Sa robe blanche s’étale et en arrière du canapé, un homme, jeune aussi, se penche et la