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MOISSON DE SOUVENIRS

incapable de me recueillir. J’ai oublié l’ordre des signaux, j’ai peur de mal avaler et de profaner l’Hostie sainte.

La messe qui commence au milieu du chant des cantiques m’apaise enfin, mais trop émue pour prier, je me contente d’être heureuse. Voici le moment solennel ; le prêtre va venir avec son présent incommensurable ; mère Saint-Robert nous fait avancer, banc après banc et claque des signaux attendris, comme sa voix de tout à l’heure. Et puis, c’est l’action de grâces. Je rends mes devoirs à Jésus-Hostie, je l’adore, je le remercie, je le prie pour ceux qui me sont chers et suivant la recommandation qui nous a été faite, je lui demande de connaître et suivre ma vocation. J’en viens à causer familièrement avec lui : je l’entretiens de chez nous, je lui avoue que j’aime bien Thérèse et je lui parle aussi de Jean.

Le saint sacrifice est déjà fini. Le prêtre nous a adressé quelques exhortations, je crois, et à la suite de mère Saint-Robert, nous retournons au couvent. Les élèves s’étaient débandées dans la petite cour qui sépare le couvent de l’église. Nous sommes vite entourées, complimentées, mais qu’elles sont bruyantes, frivoles, me semble-t-il. Par bonheur, nous sommes presque aussitôt appelées au parloir, ma sœur et moi.

En entrant, je vis bien maman, comme je m’y attendais, mais accompagnée de deux autres dames, de trois messieurs et d’un garçonnet grand et mince, vêtu de toile bise, son canotier à la main. Je demeurai si bouleversée, que j’eus l’idée de m’en-