Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
ADOLESCENCE

fuir. Alors, témoin de mon émotion, mon oncle Xavier s’écria rondement :

— Voyons ! voyons ! est-ce que tu ne nous reconnais pas ?

C’en était trop. Depuis le matin que j’amassais des larmes. J’éclatai en sanglots, tandis qu’on m’embrassait, malgré mes mains et mon mouchoir. Quand ce fut au tour de Jean, il me supplia à l’oreille :

— Pleure pas, Marcelle !

Si mon oncle Xavier n’avait pas été là pour sauver la situation, ma sotte contenance aurait sûrement amené la gêne. Il m’apprenait loyalement que tante, papa et lui n’avaient pas fait le voyage pour moi seule ; deux sur trois au moins étaient requis de se rendre à Montréal et comme de Montréal à Maricourt, il n’y avait qu’un pas… On prolongea un peu le parloir à cause de ma sœur à qui le règlement sévère ne permettait pas, comme à moi, communiante, d’aller déjeuner en dehors ; j’eus tout le temps de sécher mes pleurs. Papa me regardait avec insistance ; peut-être trouvait-il singulier de penser que cette petite fille en blanc lui appartenait ? Nous nous connaissions assez peu, mon père et moi. Lorsqu’il nous arrivait d’être tous deux à la maison, douze autres enfants réclamaient à la fois son attention et la petite Marcelle n’étant ni l’aînée, ni la cadette, ni surtout la plus bruyante, possédait toutes les chances de passer inaperçue.

Mes grands-parents nous attendaient chez oncle Ambroise. Grand’mère baisa respectueusement mes lèvres, puis m’ayant scrutée jusqu’au fond des