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Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/63

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ADOLESCENCE

mémoire, comme le type accompli de l’enfant, cire molle, qu’on pétrit à son gré.

Comme Thérèse, Amanda n’avait pu se plaire à Maricourt et maintenant, elle répétait volontiers qu’aucune puissance au monde ne pourrait l’obliger de revenir au couvent, l’année suivante pour y graduer.

Il en fut comme elle disait. Mais le plus étonnant, c’est qu’elle se trouva, par cette décision, à rencontrer le désir de nos parents. Mon père traversait alors une impasse financière et l’on réduisait les dépenses, le plus strictement possible. Chose plus étonnante encore, ce fut elle, Amanda, qui mise au courant, parut se sacrifier. Elle soupirait souvent et me répétait que j’étais bien heureuse d’être si jeune. Tandis que j’essayais de me faire à l’idée de retourner sans elle, au couvent.


VII


La cour du couvent, le soir de la rentrée. Je suis assise dans la balançoire avec quelques autres. Certes, la pensée de mon isolement m’étreignait au départ de Lowell et elle m’a tenue en souffrance durant tout le trajet, mais maintenant, je ne sais si c’est par la vertu de la balançoire, je me sens heureuse, j’ai envie de me réjouir et le couvent reconquis m’apparaît comme un second chez nous, tout plein de poétique sécurité. Voici qu’on m’appelle à l’autre bout de la cour ; à regret, je descends de la chaise mobile, en suppliant qu’on réserve ma place et je m’élance à la course. Mais la cour est coupée par un étroit trottoir qui part de la rue pour