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ADOLESCENCE
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plaisanter ? Il était presque toujours impossible de le savoir. On lui avait confié des âges difficiles ; de treize à seize ans en moyenne. Et en vérité, sa manière originale ainsi que sa franchise énergique ne la servaient pas trop mal.

Elle me plaça, non pas dans la troisième, mais dans la deuxième division, ce qui m’avançait encore d’une année. Et je ne sais si je me fatiguais trop à étudier, ou si ma croissance (?) m’épuisait ou, enfin, si la cause que je recherche fut toute morale, car mère Saint-Roch d’abord, puis toutes mes compagnes, plus âgées que moi — m’intimidaient ; toujours est-il que je redevins gênée comme à l’âge de sept ou huit ans et volontiers solitaire durant les récréations. Intermittente, ma timidité toutefois, me faisait assez peu souffrir. À certains moments, je m’en amusais follement moi-même.

Un jour, comme je me trouvais à sa portée, mère Saint-Roch me pria d’aller voir l’heure à la chapelle, son cadran s’étant subitement arrêté. En rentrant, je dis :

— Onze heures moins dix, mère.

Aussitôt, mère Saint-Roch me regarda fixement, pendant une minute, puis elle eut un sourire d’ironie, si sarcastique, que je le sentis courir sur ma peau, ainsi qu’un frisson désagréable.

— Sottise ! murmura-t-elle enfin. Quelle stupidité ! C’est la première fois que je rencontre une enfant de douze ans ne connaissant pas encore l’heure.

Et me dédaignant, tandis que tous les yeux se braquaient sur moi, mère Saint-Roch demanda à