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MOISSON DE SOUVENIRS

m’éveiller, complètement désabriée et incapable de ramener à moi, mes draps malins ? Si, au moment de faire ma toilette, le savon me partait des mains et refusait de revenir ? Si, après avoir rempli ma petite cuvette émaillée, l’eau me sautait à la figure, avec un retentissement de soufflet ? Je prévoyais tout.

Encore, j’aurais consenti à souffrir des choses pour le bon Dieu mais à une condition, toujours : à la condition que ce fût entre Lui et moi. Si les autres devaient tout voir et en parler, comme au village de la petite fille, non ! non ! non ! Et je pris la ferme résolution de commettre des péchés le plus tôt possible.

Le matin me trouva plus calme, mais toujours aussi résolue et pour inaugurer ma nouvelle manière, je m’amusai à toutes les distractions qui passèrent, durant la messe. Je ne voulais pas me noircir l’âme, mais simplement la ternir par de petits péchés mignons, destinés à tromper le diable. Entre temps, Flore nous apprit que sa payse n’était qu’une vulgaire menteuse, qui s’ennuyant, sans doute, avait voulu en faire accroire à ses parents. N’importe, l’aventure n’en demeurait pas moins redoutable pour moi et je persévérai dans mes sottes résolutions.


VIII


Je m’étais réjouie, je m’étais dit : « Maintenant que nous demeurons à Montréal, Jean viendra se promener chez nous, pendant les vacances, je suppose. » Il avait de l’argent à sa disposition et voyageait souvent. Qui sait ? Peut-être me per-