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ADOLESCENCE

du hachis, au souper. Le samedi, cela arrivait souvent et j’avais faim. Après souper, nous prîmes notre récréation dans la cour, en attendant le mois de Marie et je venais d’être invitée à jouer aux Quatre coins, quand une petite fille accourut m’avertir que mère Saint-Blaise me réclamait.

— Voulez-vous m’accompagner ? me demanda celle-ci, de son ton charmant.

Je la suivis dans le parterre et là, elle se mit en frais de repeindre les deux mignonnes chaloupes suspendues, qui portaient des fleurs en guise de passagers. Elle me chargeait de menus objets qui auraient pu l’encombrer et je trouvais singulière, la palette chargée de petits paquets de couleurs et merveilleux le pinceau si sûr, qui semblait participer au privilège des doigts vivants.

— Vous aimez ces choses n’est-ce pas ? disait mère Saint-Blaise. Vous devriez demander à vos parents de vous faire apprendre le dessin. Vous avez certainement des dispositions. Oui, oui, vous êtes un tempérament. Il y a longtemps que je vous remarque, ma petite fille, depuis le premier soir de notre rencontre. Vous rappelez-vous ?

Mon affirmation spontanée la fit sourire.

— Vous ne prenez pas de leçons de musique, non plus, si je ne me trompe pas. Pourquoi ? Il faudrait vous y mettre. C’est le temps pendant que vous êtes jeune. Quel âge avez-vous ?

— Treize ans, mère.

Le pinceau resta en l’air, tandis que le front de mère Saint-Blaise se couvrait instantanément de rides.

— Vous vous trompez, fit-elle enfin.