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Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/88

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MOISSON DE SOUVENIRS

Cette réflexion m’ennuya au possible. Jean, un sauvage ? Ce n’était pas assez qu’il eût pris des allures d’homme et perdu sa mélodieuse voix d’ange ? Par quelles métamorphoses prétendait-il encore passer ?

La première personne que je rencontrai, au couvent, fut mère Saint-Blaise qui s’empressa de me demander si j’avais enfin obtenu de prendre des leçons de dessin. Plutôt que d’avouer notre pauvreté actuelle, la vanité aidant, je préférai un mensonge et racontai qu’ayant passé les vacances aux États-Unis, je n’avais plus pensé à rien, au retour. Devina-t-elle le fin fond des choses ? En tous cas, elle cessa d’insister et ce silence qui ressemblait à la fois à du mécontentement et à de l’indifférence, me punit durement de ma lâcheté.

Cependant, ayant appris que j’avais reçu des leçons de ma cousine, elle offrit de me guider et presque tous les jours, maintenant, je venais lui faire sa lecture à l’atelier. Elle me retenait quelque temps, ensuite, corrigeait mes travaux et tout doucement, aidait à l’épanouissement de mon âme.

J’étais montée de classe, cette année et mon unique voisine étant la plus discrète personne du monde et mon pupitre, de par sa situation, se trouvant à peu près invisible à mère Sainte-Lucie, ma belle nouvelle maîtresse, j’en profitais pour employer mes moindres loisirs à dessiner. Ne trouve-t-on pas toujours du temps pour faire ce qui nous plaît ? Lorsque, d’aventure, je rencontrais mère Sainte-Sabine, elle ne manquait pas de s’informer de mes études par le menu et elle concluait presque toujours plaisamment :