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ADOLESCENCE

la première division, tandis que les dernières allaient briller aux premiers rangs de la troisième division, devenue la seconde. Je pourrais donc graduer cette année, mais pour obtenir mon diplôme, une année encore me serait nécessaire. J’écrivis tout ceci à maman et sa réponse fit que je pleurai sous mes draps, le soir. Maman se déclarait heureuse de la très bonne nouvelle annoncée : cela coûte cher de tenir sa fille au pensionnat. Et à moins que je n’eusse l’intention d’enseigner ou d’entrer au couvent, maman ne voyait pas pour moi, la nécessité d’obtenir un diplôme. Amanda s’en passait parfaitement et Thérèse ne s’était jamais servie du sien. À la maison, j’aurais d’ailleurs toute facilité de parfaire mes études, ne fût-ce que par des lectures. Et très tendrement — car elle devait soupçonner mon chagrin — maman m’engageait à bien profiter de ces derniers dix mois.

En effet, j’en profitai bien : il me devenait impossible de dessiner en classe, mon pupitre se trouvant trop exposé, et les paroles de maman, et plus encore peut-être, mon désespoir de quitter le couvent, me fouettaient d’ambition. Mère Sainte-Lucie se déclarait volontiers fort satisfaite de mon travail et croyait, je pense, à de la gratitude de ma part, parce qu’elle m’avait avancée d’une année.

Un jour, comme j’entrais dans l’atelier, mère Saint-Blaise, reprit le livre qu’elle venait de déposer et me dit :

— Écoutez, ceci est pour vous : « Les cœurs tendres et gémissants, plus ils sont écrasés, plus ils donnent d’encens ».