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Page:Jarry - L’Amour en visites, 1898.djvu/41

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l’amour en visites

dont on fait les déserteurs ou les assassins ; la race à coup sûr, de ces aventuriers écumeurs des océans de jadis, qui, lorsque la vague leur apportait le naufrage d une ceinture d’or, achevaient le naufragé pour avoir la ceinture. Rien qu’à la façon dont il règle la question d’argent, on devine que son père doit être un honorable notaire de campagne, descendant d’une bonne noblesse de bandits.

Manon hésite. Elle devrait le mettre à la porte. Ce serait plus prudent. Il a cassé les potiches du prince Korisky, des vieux cloisonnés dont les morceaux se revendraient bien encore cinq louis, l’un dans l’autre. En supposant qu’elle marche pour le même prix, elle y perd toute la différence des cloisonnés entiers.

Par une habitude juive de supputer mentalement les bénéfices d’une aventure, elle fait une balance entre les yeux du jeune homme et l’éclat des tessons qui jonchent son tapis. Seulement, elle a le grand défaut de ne pas être juive ; elle se baigne souvent et aime quelquefois ; elle va marcher malgré elle, sans se l’avouer, sans lui répondre.