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LES MINUTES

grave, comme sur une corde de contrebasse. Il gémit en traversant les fourrés et les taillis d’os que je devine à leur cliquetis d’anche ; et la nuit enfermée dans les cages à perroquets des côtes barytone, comme l’air dans les tonneaux cerclés ou les cercueils qu’on cloue. Il agite doucement les andouillers feuillus d’un cerf gigantesque, et les frondaisons palpitent comme des ailes de tête de mort. Et les longues flûtes éoliennes des cétacés, séries de vertèbres rabouties par des viroles de cuivre, attendent qui joue. Des araignées qui délogent écorchent le sol de leurs petites griffes ; et de tous ces bruits la perception est si nette, qu’on distingue encore parmi se tourner dans les orbites les yeux de néant des squelettes.

Dans la clef du bocal ouvert, le vent souffle oblique ; c’est le son pur et liquide de l’alcool avec ses petites vagues. Et comme il m’est interdit d’allumer une flamme, je vais remplir ma mission dans l’ombre, avec un remords réel, comme qui va jeter de la berge aux profonds remous le pante qui passe.

Tels les otaries qui plongent, et à chaque plongeon poussent un hoquet rauque, bouteilles noires