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Page:Jarry - Les Minutes de sable mémorial, 1932.djvu/84

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LES MINUTES

ferment leurs éventails les chauves-souris aux ailes de carton brûlé.

Et toujours la ville hausse ses poings de menace vers le ciel d’où l’accable son Ennemi. Mais Dieu n’accorde point à ses yeux son envergure qui tout traverse : bien loin au-dessous ses orteils ont pour bagues les filons de l’or souterrain, que le divin vendangeur écrase pour qu’en monte comme un parfum la lumière ; bien loin au-dessus sa grande barbe balaie les nuages, et ses doigts quand il réfléchit dans la noire tapisserie firmamentaire percent des trous. Mais de l’étoile Algol — où j’étais monté d’un bond, pour contempler cette scène reculée dont l’image se perd comme les cercles qui s’éloignent d’une pierre qu’on jette à travers l’infini liquide — je vis son Phallus sacré, que les Indous appellent Lingam, ramper à travers un temple croulant. Il inclina sa tour d’ivoire, et son crâne naïf qui n’a point encore de suture sagittale, pareil à l’oeil d’un caméléon albinos.

Et le grand Phallus, comme un serpent d’eau et surtout comme une galère à trois rangs de rames, glissa sur la nappe unie du bitume. Et la foule, aux pieds jusqu’alors soudés comme des mouches