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Page:Jarry - Les Minutes de sable mémorial, 1932.djvu/92

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LES MINUTES

Haldern. — Oui, Ablou.

Ablou. — Et jamais personne n’a visité votre manoir ? Ni homme, ni femme ?

Haldern. — Le pont-levis — lui seul et le hibou remontent la mandibule de leur paupière de soie grise — ses papilles vierges du sable des hommes méprisés, aveugles du seul Réel, le Surnaturel. J’aime en les femmes — carie et scorie que Dieu extirpa de la grille de leurs côtes — leur servilité, mais je les veux muettes. Dans mon alcôve sainte du buis bénit des chauves-souris, quand en mes bras elles parlent — plainte du thorax des poupées aux doigts des colporteurs — quand elles parlent, je les jette au pied de mon lit, à l’auréole de veilleuse de la tête de mort en sa caverne bâillante, qui m’écoute de ses deux creuses ailes d’épervier blanches et noires. — Hors du sexe seul est l’amour ; je voudrais. quelqu’un qui ne fût ni homme ni femme ni tout à fait monstre, esclave dévoué et qui pût parler sans rompre l’harmonie de mes pensées sublimes ; à qui un baiser fût stupre démonial. — Quelque homme t’a-t-il dit qu’il t’aimait, Ablou ?

Ablou. — S’il avait été assez hardi — j’aurais