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Page:Jarry - Les Silènes (éd. Bibliophiles créoles), 1926.djvu/39

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LES SILÈNES

veau parapluie. Calderon lit vos poèmes, vous envoie ses compliments les meilleurs et vous conseille d’aller demain en compagnie de Liddy au rendez-vous de chasse de Lapsbrunn, qui serait situé dans une région véritablement romantique.

Mort-aux-Rats. — Je suis heureux, je suis trop heureux ! Je veux pisser, jouer de la cornemuse, grimper sur les tuiles du toit ! Calderon lit mes poèmes ! Calderon m’envoie ses compliments ! De joie j’en dévore une chandelle, que dis-je une chandelle, un lampadaire ! Faites à monsieur de la Barca un millier de salutations de ma part, — dites-lui que je suis un de ses plus frénétiques admirateurs, — que je me rendrai au rendez-vous de chasse avec Liddy, quand bien même il me faudrait lui trancher les jambes pour y parvenir ; que je…

Le Diable. — Assez ! Il ne me reste plus un instant ! S’il vous arrivait d’avoir besoin de mes services, vous savez que je demeure en Enfer. Les Enfers sont un peu éloignés de ce village ; si cependant vous désirez y parvenir rapidement, vous n’avez qu’à vous rendre à Berlin, derrière la muraille royale, ou à Dresde, dans la ruelle des Pêcheurs, ou à Leipzig, dans la ruelle aux Prussiens, ou bien à Paris, au Palais-Royal. Le Tartare n’est qu’à cinq minutes de tous ces endroits et il vous sera même possible de faire le trajet à cheval sur des routes excellentes et admirablement entretenues. Mais le soir approche ! Dormez médiocrement !

(Il veut s’éloigner).

Mort-aux-Rats, le retenant. — Un mot seulement ! N’ai-je pas le droit de savoir qu’elle est la raison secrète qui vous a fait venir actuellement sur cette terre.