Page:Jarry - Ubu enchaîné, 1900.djvu/208

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Père Ubu (à son Défenseur).

Monsieur, pardon ! taisez-vous ! vous dites des menteries et empêchez que l’on écoute le récit de nos exploits. Oui, Messieurs, tâchez d’ouvrir vos oneilles et de ne point faire de tapage : nous avons été roi de Pologne et d’Aragon, nous avons massacré une infinité de personnes, nous avons perçu de triples impôts, nous ne rêvons que de saigner, écorcher, assassiner ; nous décervelons tous les dimanches publiquement, sur un tertre, dans la banlieue, aveu des chevaux de bois et des marchands de coco autour… ces vieilles affaires sont classées, parce que nous avons beaucoup d’ordre ; — nous avons tué monsieur Pissembock, qui vous le certifiera lui-même, et nous avons accablé de coups de fouet, dont nous portons encore les marques, monsieur Pissedoux, ce qui nous a empêché d’entendre les coups de sonnette de mademoiselle Pissembock ; c’est pourquoi nous ordonnons à messieurs nos juges de nous condamner à la plus grave peine qu’ils soient capables d’imaginer, afin qu’elle nous soit proportionnée ; non point à mort cependant, car il faudrait voter des crédits exorbitants pour la