Aller au contenu

Page:Jaubert - Souvenirs de Madame C. Jaubert. Lettres et correspondances.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rien livrer de son for intérieur. Il généralisait, s’appuyant d’exemples ou de citations que sa riche mémoire lui fournissait. Il entraînait aux confidences sans jamais les faire regretter, par un souvenir inopportun. En gravissant le large escalier du château, qui conduit aux appartements particuliers, posant le regard sur la devise: « Faire sans dire », tracée sur les stores, la réflexion forçait à constater qu’appliquée à ce maître en l’art de la parole, elle était aussi juste que singulière.

Ce caractère secret, et point mystérieux, était une précieuse qualité chez un homme politique ; il possédait encore celle de conserver en toute situation une entière liberté d’esprit; il n’aimait pas le danger, mais il l’acceptait.

Après avoir promis ma visite à la campagne, pour les premiers jours d’août, je la retardais volontairement. Ce ne fut donc qu’après avoir reçu la lettre suivante, que je me rendis à l’appel.

Chère, bien certainement vous n’avez ni arbres à planter dans Paris, ni chemins à tracer, ni fossés à creuser, ni portes à ouvrir, ni grains à battre, ni étables à clore, ni. Vous faites mieux, beaucoup mieux ; je n’en doute pas ; j’aime mieux vos affaires que les miennes, et d’abord parce qu’elles ne tiennent pas tous les moments captivés ; il y a des heures où votre bureau n’est qu’à deux pieds de vous, et où il ne vous faut que tendre la main pour obéir à cette résolution tombée soudainement dans vos rêveries :- Ah ! il faut que j’écrive à Berryer ! Comment donc n’ai-je pas un mot de vous depuis huit jours bien comptés ? et je vous attends, vous le savez. Tout est en fleur, l’air est parfumé. J’ai fait office de tapissier à faire crier miracle au tapissier de profession, et ces petites joies me plaisent. Me voilà donc impatient de vous voir ici. Jusque-là le piano est muet. Mais aussitôt que les grelots de votre postillon se feront entendre, Mme Berryer lancera les invitations qu’elle tient en réserve, au prince de Belgiojoso et à Just Géraldy. Près de vous, dilettante con amore, je puis m’écrier : -Vivent les gens pour qui tout est musique, mélodie, harmonie ; paroles, ton, couleurs, regards, mouvements, tout leur est chant, et ce chant éveille toutes les pensées. Je suis de ces musiciens-là, qui ne craignent ni brume, ni vent ; et dont la vie