Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/170

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« L’homme, et c’est sa noblesse, veut être maître de la nature et des choses ; il les soumet à sa puissance par sa pensée et son travail ; or, quand l’homme est sale, quand il ne se nettoie pas, quand il ne se lave pas, il laisse les choses s’emparer de lui, mettre sur lui leur empreinte et leur souillure. La preuve, c’est que l’homme, quand, après le travail, il a pu nettoyer son corps et ses vêtements mêmes de toute souillure, éprouve comme un sentiment de délivrance et de fierté. »

De même, ne dites pas aux enfants, ou du moins ne leur dites pas seulement : « Ne soyez pas gourmands ou gloutons, parce que cela vous fera mal. » Dites-leur surtout qu’ils diminueront, par les excès de table, leur puissance de travail, leur promptitude d’esprit, leur lucidité de pensée.

Ne leur dites pas : « Il ne faut pas mentir, parce que le menteur n’est pas cru, même s’il dit la vérité. » Non, dites-leur que le mensonge est une lâcheté, car l’homme qui nie ce qu’il a fait se nie en quelque sorte et se supprime lui-même ; il n’ose pas être ce qu’il est ; il retranche de la réalité une part de lui-même : le mensonge est une mutilation de soi-même. De plus, c’est la vérité qui est le lien des intelligences entre elles, des consciences entre elles. Le mensonge brise ce lien ; et, poussé jusqu’au bout, il réduirait chaque homme à être seul, absolument seul en pleine